Afghanistan (J1) – Mazâr-e Charîf

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Mercredi 6 mars,

Direction Mazâr-e Charîf en Afghanistan, quatrième plus grande ville du pays avec environ 700 000 habitants. Ce sera aussi l’épicentre de mon périple.

Le vol s’est bien passé. Beaucoup de militaires dans l’avion, des Afghans et des Turcs. Puis moi, seul parmi toute cette foule. Cependant pas un regard n’a été braqué sur moi. Depuis les airs, le paysage est désertique à perte de vue, c’est magnifique. Les routes n’ont pas l’air goudronnées autour de la ville. Je vois les hélicos qui nous flanquent pour atterrir. Il faut savoir que seuls deux vols hebdomadaires sont autorisés à atterrir sur l’aéroport de Mazâr-e Charîf. Juste à côté de l’aéroport se trouve une base militaire et sitôt le pied posé sur le tarmac, les soldats sont là pour nous escorter et nous amener dans le terminal. Les formalités d’immigration auront duré 1 min et 20 secondes. Autrement dit, il est plus rapide de rentrer en Afghanistan qu’aux États-Unis. Je sors de l’aéroport qui est tout petit et fait la rencontre de mon guide, Noor, ainsi que des 4 autres personnes qui vont voyager avec moi : José Mari un Espagnol de 76 ans (187 pays visités – plus que 6 pays à explorer pour compléter la liste des 193 pays), Ricardo Reynald Nanulaitta un Est-Timorais habitant à Détroit (80 pays visités), Gina une Américaine habitant à Dallas (162e pays) ainsi que Stewart, un Anglais habitant à Vancouver qui chasse aussi le même objectif (64e pays). Il faut savoir que si l’on se retrouve là, dans cet endroit, c’est parce qu’on a le même rêve, donc le même objectif.

La route pour quitter l’aéroport est un peu chaotique avec des checkpoints un peu partout qu’on doit contourner, parfois passer à une seule voie afin que les militaires contrôlent la zone. Beaucoup de barbelés, des monticules de terre, on peut voir assez facilement le passé dramatique qu’a vécu cette région. Il faut savoir que les talibans ont capturé l’Afghanistan en 1994 et c’est à partir de 1998 qu’ils sont arrivés à Mazâr-e Charîf. Le guide nous explique toutes ces zones militaires, le fait que la route soit très protégée, etc. La route dans le centre est plutôt en bon état, il faut le reconnaître, et la conduite plus calme que je ne l’imaginais. L’espace d’un instant, je me suis cru en Inde, car bien que les maisons soient grandes, elles ne sont pas terminées et la misère est omniprésente dans la ville.

Nous arrivons donc à l’hôtel qui est d’aspect plutôt récent et accueillant. Celui-ci me fait penser aux bâtiments colorés de Corée du Nord. Je partage ma chambre avec Stewart. On se repose 10 minutes le temps de profiter du WiFi et le copieux petit-déjeuner est servi à la réception : œufs, fromage frais, orange, pâtisseries typiques à base de graines de sésame et thé (vert ou noir). C’est le temps de faire un petit briefing sur le séjour, ce qu’on a le droit de faire ou pas, Noor nous explique que ce matin nous ne pourrons pas aller au Bazar car ce n’est pas très sûr pour le moment. On essaiera peut-être le dernier jour, en attendant il doit aller chercher nos costumes traditionnels afin de se fondre un peu plus dans la population afghane. En attendant que le guide revienne, on a donc le temps de dormir un peu, le dernier vol fut épuisant.

Midi, Noor revient avec les tuniques, chacun la sienne. Une fois les essayages terminés, ce sera un pantalon dhotî et une tunique kurta que l’on met au-dessus du tee-shirt. Sympathique, en plus de ça c’est assez joli. On part donc en ville déjeuner dans un restaurant afghan : le Mansoor Restaurant. On nous fait goûter la viande locale, de l’agneau mélangé à des épices. Un délice. On apprend un peu plus à se connaître, chacun y allant de son voyage le plus extravagant. Des anecdotes qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs.

Puis direction le sud de la ville, plus précisément aux portes de l’Hindou Kouch, une chaîne de montagnes de l’Afghanistan et du Pakistan qui est traversée par la mythique et antique route de la soie. Sur la route, on observe des terrains à perte de vue, sans arbres, des chèvres par-ci par-là, des chiens errants, des puits de mine, des usines ou des silos. Je verrai sur cette route, plus d’hommes à cheval, sur des ânes ou des bergers que de maisons en ruines au milieu de ce paysage montagneux.

Puis nous arrivons à l’endroit que le guide veut nous faire visiter : le pont Charkint. Ce dernier date du XIIe siècle, durant la période de Gengis Khan, et a été un point stratégique en 1998 lorsque les talibans arrivèrent à Mazâr-e Charîf pour envahir la ville et surtout capturer la population Hazara qui était la cible des talibans. C’est alors que la population de Mazâr-e Charîf a commencé à se réfugier dans les montagnes, au-delà de ce pont, poursuivie par les talibans. Arrivés à ce pont, ces derniers ont été repoussés. Ayant perdu la bataille ils se sont vengés sur la population qui était restée en ville.

Il est assez impressionnant de voir de nombreux trous, petits ou gros, aux bords quasiment parfaits et circulaires qui constellent la montagne. Ce sont en fait des impacts d’obus. En voyant ces derniers sur la montagne, on n’a pas de mal à imaginer l’intensité de la bataille dont elle a été le théâtre. Le flanc de la montagne en est couvert. Le pont est accessible, de là on a une vue magnifique sur les paysages de la campagne et les montagnes environnantes où les rivières se fraient un passage dans des gorges étroites et sinueuses. Je n’avais jamais vu des paysages de campagne aussi désertiques, plombés sous des nuages leur donnant un aspect terne et mélancolique mais embellis par l’activité des paysans, des cavaliers, et des troupeaux de chèvres.

Nous rentrons ensuite en ville pour aller voir la grande et majestueuse mosquée bleue de Hazrat Ali, un des hauts lieux d’Afghanistan. Les pèlerins viennent de tout le pays pour y prier sur la tombe qu’elle renferme. Pour la petite histoire, en 661 AD (Anno Domini sur le calendrier julien), les adeptes d’Ali auraient emporté son corps secrètement près de Balkh. L’enterrement aurait eu lieu en secret, par peur des représailles des ennemis d’Ali, et sa localisation a été perdue jusqu’au XIIe siècle lorsqu’Ali apparu simultanément dans les rêves de 400 nobles de Balkh et aurait révélé la position exacte de la tombe. Là, une colline proche a été excavée pour découvrir une chambre funéraire derrière une porte en acier. Le corps d’Ali gisait, ses blessures mortelles aussi fraîches qu’au premier jour. Le sultan seldjoukide Ahmad Sanjar a immédiatement construit un grand sanctuaire au-dessus de la tombe, mais il a été rasé un siècle plus tard par Gengis Khan. La population de Balkh étant décimée et dispersée, le souvenir de la tombe d’Ali s’est évanoui à nouveau jusqu’à ce que les Timurides le raniment au XVe siècle. Le sultan Baiqara a reconstruit le sanctuaire qui existe encore aujourd’hui.

Romain devant la mosquée bleue de Hazrat Ali à Mazâr-e Charîf

Le riche carrelage bleu qui recouvre chaque surface du sanctuaire est moderne. La décoration timuride est tombée en ruine et le bâtiment a été recouvert d’une simple couche de chaux jusqu’aux années 1860, date à laquelle Sher Ali Khan l’a fait restaurer.

La tombe de Sher Ali Khan se trouve à l’ouest de la porte principale du sanctuaire. Une autre tombe plus grande est celle d’un autre chef emblématique : Wazir Akbar Khan, décédé trois ans après avoir chassé l’armée britannique du pays lors de leur retraite désastreuse de Kaboul en 1842. Du côté est du sanctuaire, on peut voir un grand pigeonnier ressemblant à un minaret. Les colombes du complexe du sanctuaire sont célèbres en Afghanistan. Les superstitieux disent qu’un pigeon sur sept contient un esprit, et le site est si saint que si un pigeon gris s’envole ici, il devient blanc dans les 40 jours.

D’un point de vue personnel, c’est la plus belle mosquée que j’ai vue de ma courte vie. C’est d’ailleurs la seule où le carrelage bleu et toutes les autres pierres sont présents de chaque côté de la façade à l’inverse des mosquées d’Ouzbékistan où elles ne sont décorées que sur la porte principale. J’étais assez impressionné de voir un tel monument en Afghanistan. La mosquée est somptueuse. Et les pèlerins et les visiteurs Afghans alentour se montrent très accueillants, parfois mendiants mais toujours souriants devant des inconnus.

La journée est finie, nous retournons à l’hôtel pour déguster le kabuli, le plat traditionnel à base d’agneau, de riz et de carottes. Délicieux encore une fois. Que de découvertes …

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